Autrice : Barbara DELCOURT (avec la participation de Olivier Corten et Jean-Frédéric Morin)
Année : 2013
ISBN : 97827298-8103-0
Lieu : Paris
Edition : ELLIPSES
Collection : OPTIMUM
Pages : 215-237
Description :
Une science, sociale ou autre, existe lorsqu’un ensemble d’universitaires, d’accord pour estimer qu’un objet spécifique mérite d’être étudié grâce à des méthodes appropriées sur fond de connaissances théoriques, organisent dans un cadre académique institutionnalisé les recherches et les enseignements qu’ils et elles consacrent audit objet[1] .
Vues sous cet angle, les Relations internationales constituent une discipline scientifique du point de vue institutionnel tout d’abord. Que leur autonomie soit reconnue de jure comme au Royaume-Uni ou de facto comme en Amérique du Nord, ou qu’elle soit plus modestement vécue par certains voire simplement revendiquée par d’autres comme c’est le cas en Europe continentale, les internationalistes abordant les relations internationales à partir d’une approche relevant de la science politique ont à leur disposition des institutions d’enseignements et de recherche inscrites dans la durée, des supports de diffusion et de discussion des résultats de la recherche tels que les colloques, revues et collections d’ouvrages, des procédures de recrutement et d’évaluation reconnues comme socialement légitimes. On peut s’interroger pour savoir si ces dispositifs institutionnels fonctionnent selon les logiques d’un champ scientifique, de même que l’on peut espérer y déceler les signes avant-coureurs de l’avènement d’une science normale des Relations internationales : dans tous les cas, ils tranchent par rapport au passé ante-disciplinaire lorsque les relations internationales étaient étudiées par les philosophes (section 1).
Au-delà de leur appartenance au même milieu, les internationalistes se reconnaissent quand ils se rencontrent aussi et surtout pour des raisons de fond, liées à leur objet d’étude : ils sont d’accord pour dire que les Relations internationales portent sur les relations qui se déroulent dans l’espace situé au-delà des frontières des différents États-nations pris individuellement. Il s’agit là cependant de leur plus petit dénominateur commun, car les interrogations relatives à la nature de l’espace international, à l’importance respective des facteurs principaux structurant les interactions qui s’y déroulent, à la priorité à accorder à tel ou tel autre acteur à l’origine des différentes relations, font l’objet de débats incessants entre approches concurrentes. Ces dernières étant par ailleurs opposées au sujet des méthodes d’analyse, d’enquête et de vérification à mettre en œuvre, et des capacités de ces dernières à rendre compte des phénomènes observés de façon objective ou, plus modestement, intersubjective, il s’ensuit un pluralisme théorique qui voit cohabiter, notamment, des réalistes, des libéraux et des constructivistes (section 2).
La dernière raison, négative cette fois-ci, qui tend à prouver que les Relations internationales sont une science sociale instituée, renvoie aux liens entretenus avec d’autres disciplines universitaires et, plus exactement, à l’évolution de ces liens. Pendant longtemps, les Relations internationales ont eu du mal à défendre avec succès leur autonomie par rapport à des disciplines portant elles aussi sur des objets internationaux et voyant d’un mauvais œil les velléités d’indépendance d’une approche spécifiquement politologique de ces objets. De nos jours au contraire, les rapports entre ces disciplines se sont apaisés, au point de voir des internationalistes de plus en plus nombreux et de tous bords – politistes, historiens, juristes ou économistes –, s’interroger sur les charmes et les limites de l’interdisciplinarité (section 3).
[1] Voir à ce sujet P. Favre (1989), Naissances de la science politique en France. 1870-1914, Paris, Fayard.